MatchaPrika Club — CC BY-NC 4.0

Passion Illustrée

Paprika est une inconditionnelle des comic-books . Pour elle c'est un médium où s'allient narration visuelle et textuelle afin de produire une oeuvre. Tous ces personnages hauts en couleurs sont la conséquence de l'évolution de l'humanité. Un peu comme si les héros mythologiques d'antan s'étaient simplement modernisés et avaient changé de nom. Un peu comme si les contes et légendes avec leurs rires, leurs drames, leurs rebondissements, s'étaient octroyé des artistes pour leur donner une image concrète. Dans les comics, le scénariste ne décide pas de tout, c'est le résultat du travail d'équipe d'une personne qui écrit, une autre qui dessine, une autre qui fait de l'encrage, une autre qui fait de la couleur et une qui fait du lettrage. Lorsque vos yeux parcourent des pages de papier ou un écran, il ne faut pas oublier que derrière tout ça, ce sont des années d'expérience, de vies personnelles et d'interprétations qui ont donné ce que vous tenez entre vos mains.

Les égyptiens ont laissé leurs histoires fabuleuses sous formes de hiéroglyphes, les romains sous forme d'écrits, les héros modernes laisseront leur empreinte au futur sur des pages couvertes d'encre. Les comics sont la somme de milliers de personnes qui y ont insufflé ou puisé leurs vies personnelles, leurs anecdotes ou leur vécu, créant ainsi un gigantesque imaginaire collectif accessible contre un peu d'argent. Peut-être que dans cent ans ça n'existera plus et il ne restera des comics que quelques pièces de musées ou de rares exemplaires ayant survécu dans une bibliothèque oubliée.

Les comics c'est aussi l'occasion pour le lecteur de voir d'autres horizons, de se rêver en Spider-Man, en Mutant ou en citoyen ordinaire au second plan sur une case de foule. Sous le costume il y a un Peter Parker ou un Clark Kent, mais ça pourrait aussi bien être elle, ou le voisin, ou une tante ou même quelqu'un qui n'est qu'une connaissance. L'ordinaire devient extraordinaire, l'impossible devient possible. Les comics peuvent être vus comme autant de messages personnels pour devenir meilleur ou donner de soi afin d'aider ou de protéger son prochain. C'est un peu vous qui endossez un costume lorsque vous tournez toutes ces pages colorées ! Alors laissez moi vous parler de leur étonnante histoire...

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L'âge d'Or — Janvier 1935 à Juin 1947

Les " comics" sont des albums illustrés mesurant de nos jours 16.83 centimètres de large par 26.04 centimètres de haut. C'est le pendant outre-atlantique du format cartonné " franco-belge" ( Astérix, Tintin, etc...) que l'on connait bien en France. Ils sont dérivés d'un genre littéraire des années 50 appelé " pulp". Ce dernier doit son nom à la pâte de papier en pulpe de bois, pas chère mais fragile, employée pour créer des livres à deux sous où de nombreux auteurs y rédigent leurs nouvelles de fantastique, de crime ou encore de science-fiction.

Les pulps ont peu à peu disparu à cause de l'essor de la disponibilité du papier, des romans, de la radio et de la télévision. Les comics tel qu'on les connait sont apparus dans les années 30 sous forme d'illutrations périodiques en feuilleton. En 1938 apparaît " Action Comics" avec un super-héros nommé " Superman" et en 1940, c'est la création de " Captain America". Ces deux icônes culturelles auront un fort impact sur le public pendant la seconde guerre mondiale. Une fois celle-ci terminée, les éditeurs passent plutôt à des histoires humoristiques ou avec des animaux, " Archie" et " Disney" entrent dans la danse aussi.

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L'âge Atomique — Juillet 1947 à Novembre 1958

La mise a disposition du papier après la fin de la seconde guerre mondiale commence à bouleverser le marché, les prix augmentent aussi les éditeurs diminuent le nombre de pages pour ne pas avoir à monter le prix. Les 10 centimes ne permettent plus que de lire 32 pages au lieu de 52 précédemment. Les thèmes abordés changent également. Les super-héros font la place à la romance, aux westerns, aux comics de guerre ou de crime. C'est moins amusant et dans les années 50 arrive l'importante vague de censure suite au mouvement lancé par le Docteur Fredric Wertham et son pamphlet anti-comics : " Seduction of the Innocent". En 1954, sous l'impulsion des éditeurs, sera créée la Comics Code Authority ( abrégé en CCA), chargée de surveiller les publications de comics et évitant une censure d'état. En 1956 apparaît " Showcase" publié par DC comics, présentant au monde un tout nouveau super héros : The Flash.

L'âge d'Argent — Décembre 1958 à Août 1970

Dans les années 60, les super-héros recommencent à faire parler d'eux. La société appelée " Atlas" lance alors " Marvel" et à partir de 1964, c'est l'explosion du genre avec l'arrivée de " Fantastic Four", " Avengers", " Iron Man" ou encore " Thor". Il n'y a pas de secret, " Marvel" ne fait qu'émuler le succès de son concurrent " DC". Pas étonnant de trouvers les Vengeurs après le succès de la Ligue des Justiciers. Mais le public est au rendez-vous et les ventes se portent plutôt bien.

L'age de Bronze — Septembre 1970 à Avril 1985

De 1970 à 1990, les comics traversent une phase moins prolifique. Globalement les ventes baissent mais certains titres tiennent bon grâce aux lecteurs fidèles. Le milieu underground accueille quant à lui la naissance de la contre-culture comics, devenant alors un coin d'expression plutôt que lieu de revendication qu'il était auparavant. En 1975, Chris Claremont et John Byrne s'attaquent aux " X-Men" et les ramènent sur le devant de la scène. L'un des changements majeurs de l'âge de bronze est le ton des comics de super-héros. Là où avant ils étaient plus enfantins et assez insouciants, désormais ils sont plus complexes, plus réfélchis et apportent leur lot de drame sans oublier les reflets sociologiques et politiques des états-unis. L'Heroic-Fantasy, l'Horreur et le Kung-Fu deviennent des genres lus et appréciés.

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L'age Sombre — Mai 1985 à Août 2000

La fin des années 80 et plus particulièrement le début des années 90 connaissent un important regain d'intérêt du public pour les comics. Certains découvrent que de vieux numéros peuvent se vendre très cher et peu à peu, une bulle spéculative commence à se former, poussant les éditeurs à jouer le jeu. En 1992 les artistes star de chez Marvel, lassés de ne pas avoir le droit d'être libre au scénario ou au dessin et n'aimant pas être contraints, claquent la porte et fondent leur propre studio : Image Comics, un studio qui accordera de l'importance aux droits des créateurs de comics. Vers le milieu des années 90, la bulle enfle toujours plus, les gens achètent des Foil Covers ( des couvertures d'un film de papier brillant, évoquant l'aluminium), des numéros 1 et autres exclusivités, convaincus que ça leur rapportera une fortune à long terme. C'est aussi l'avènement de la starisation des scénaristes et dessinateurs. Plusieurs mécontents de chez Marvel claquent la porte et fondent " Image Comics". Les prix des comics continuent de s'envoler mais lorsqu'ils se vendent par centaine de milliers, voir par millions, ça signifie que l'offre restera forte. Peu à peu les spéculateurs s'en rendent compte et abandonnent le milieu. Une crise sans précédent se déclenche, poussant Marvel à un cheveu de la banqueroute.

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L'âge de Plastique — Septembre 2000 à Avril 2020

Au début des années 2000, Marvel renait de ses cendres. Puisque le public a deserté les magasins, les éditeurs décident alors d'améliorer à nouveau la qualité de leur comics et n'hésitent pas à faire appel à des romanciers ou des scénaristes du monde de la télévision et du cinéma. La gamme " Marvel Knights" semble reconquérir un peu de public. Mais surtout, en 2002, c'est la sortie du film Spider-Man ! ( avec Tobey Maguire dans le rôle de Peter Parker) Le gain de notoriété rétablit un peu les lettres de noblesse du médium auprès du grand public, les super-héros sont désormais vus comme source de trucs cools et originaux. Pour attirer de nouveaux lecteurs qui pourraient être rebutés par les années de continuité de certains titres, les maisons d'édition n'hésitent pas à faire des recréations ou des numéros d'introduction, permettant aux nouveaux venus de prendre le train en marche.

Depuis les années 2010, le format " graphic novel" prends de plus en plus d'ampleur. C'est un ouvrage qui rassemble tout un arc narratif ou les histoires importantes d'un personnage pour pouvoir être lu sans contraintes majeures. Le prix des comics d'avant les années 90 n'est plus qu'un souvenir. Là ou avant on achetait des numéros à 1 ou 2 dollars, maintenant on est dans les 3 à 4 dollars. Donc entre cette inflation et la modernisation, les achats en monnaie d'argent de poche deviennent des achats à la carte bancaire...

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L'âge du Pixel — Mai 2020 à aujourd'hui

Le COVID 19 a débarqué, bousculant la planète toute entière à tous les niveaux. " DC" stoppe toute activité pendant quelques semaines puis arrête de passer par le géant de l'édition des comics : " Diamond Publishing". Désormais avec Internet et les boutiques en lignes, bon nombres de magasins sont obligés de revoir leur activité ou de mettre la clé sous la porte. Les éditeurs veulent vendre directement au client, éliminant ainsi des intermédiaires. Pourquoi se rendre dans un magasin tenu par un ou plusieurs passionnés capable de vous conseiller ou de vous aider à y voir plus clair dans les produits dispaonibles quand vous pouvez juste cliquer comme des forcenés pour recevoir vos comics dans la journée, jetés pardessus le muret par un chauffeur tenu de respecter des quotas et payé au lance-pierre ?

Mais et toi ? Comment tu ressens tout ça maintenant ?

Les comics tiennent bon pour le moment, depuis leur première apparition. Ils ont déjà varié les genres que ce soit du comic-book de guerre, western ou de romance. Aujourd'hui ce sont les super-héros, témoins de papier du monde qui nous entoure, les mouvements des personnes noires, la libération de la femme, l'avènement des personnes LGBT, les évènements de société. Les équipes créatives sont des gens comme vous et moi, ils ont une vie, des soucis et des idéaux. Dans leur quotidien ils voient beaucoup de choses et reflètent, en bien ou en mal, ce qui a pu les toucher directement ou indirectement. Les années 2010-2020 ont été riches en films basés sur le médium mais ils n'ont pas vocation a être adapté ad nauséam à l'écran qui ne fait que reprendre des sagas imaginées par d'autres personnes. Au bout d'un moment les gens en auront assez, Hollywood passera au nouveau truc cool du moment et le cycle recommencera...

Peut-être que dans cinquante ans les comics n'existeront plus du tout. Peut-être que ce sera devenu ringard ou has-been, que ce sera dorénavant uniquement virtuel. Alors pour le moment, je me contente de profiter de ce que cette époque et le médium ont à offrir, de Spider-Man aux TransFormers en passant par des titres independants comme Giant Days, je vais continuer à lire toutes ces pages d'hier, d'aujourd'hui et de demain et continuer à m'imaginer entrain de me balancer au bout d'une toile à travers New-York ou entrain de combattre Captain Cold en fonçant à travers les rues de Central City...