Bavardage #35
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Epitaphs From The Abyss #1
Paprika
Rédactrice Comics, LDVELH et Synthwave
Publié le 19 Octobre 2024
Format — VO
Editeur — Oni Press
Scénario — J. Holtam / C. Condon / S. Phillips / B. Azzarello
Dessin — J. Fornés / P. Krause / P. Hester / V. Legostaev
Encrage — J. Fornés / P. Krause / T. Hymel / V. Legostaev
Couleur — D. Jackson / M. Madsen / M. Louise / B. Peer
Lettrage — R. Starkings / T. Smith
Genre — Mature / Horreur / Violence
Particularités — Single Issue — 40 Pages — $4.99
Temporalité — 2024 — Pixel Age
"Vous venez de sortir très tard du boulot. Il fait inhabituellement froid et la route que vous preniez est fermée alors vous devez faire un détour à pieds. Remontant un peu le col de votre veste, vous avancez le long du trottoir sans oublier de jeter un coup d'oeil nerveux derrière vous de temps à autres. Mais alors que vous essayez de vous repérer, vous comprenez que vous vous êtes perdu car vous êtes à présent face aux portes d'un cimetière. Sur le muret, une petite succube à la peau rouge vous dévisage d'un air malicieux et annonce :
"Le spoopy-month continue ! Mais cette fois-ci je ne plaisante plus ! Va y'avoir du sang, de la bidoche, du crime, de la violence, de la brutalité et de la trahison. Non c'est pas le récapitulatif de mon casier judiciaire, c'est le menu de ce bavardage assez spécial ! Donc pour une fois je vous arnaque pas ! Pose tes affaires et coupe ta géolocalisation, je vais te présenter un copain dont le hobby c'est de lire les pierres tombales du coin !"
Horreur Revisitee
Ah, EC... Douces lettres à mes oreilles. Grands maîtres de l'horrifique et pierre angulaire des comic-books, ils ont marqué leur époque et leur période à tout jamais. Tout d'abord parce que leur existence a été mise à mal par le célèbre pamphlet du Dr Fredric Wertham : "Seduction of the Innocent" qui expliquait en long, en large et en travers que les comics, c'était le mal absolu ! Oui, même "Superman" et "Wonder Woman" posaient problèmes. L'un étant un Ubermensch mal fagoté, l'autre étant une castratrice en puissance qui pourrait pousser les filles à refuser leur statut dans la société. Alors afin de protéger ces chères têtes blondes, il a mené une grande croisade qui résultera en de gros autodafés à travers le pays, générant ainsi sans le savoir le début de la spéculation des comic-books. Si il reste peu de numéros, les prix vont augmenter donc en cramant tous ces comics, il a contribué au problème sans le savoir !
Croisade qui se termine avec EC mettant la clé sous la porte et avec la création de la Comics Code Authority qui désormais se portera garante de la qualité des comic-books présentés à la jeunesse. Mais j'en parlerais sûrement une autre fois. Ici c'est l'éditeur EC qui nous intéresse. Disparu au milieu des années 50, il vient tout juste d'être tiré de sa tombe par l'éditeur US "Oni Press". Initialement crée sous le nom de "Educational Comics" par Max Gaines en 1947, elle sera reprise par son fils William Gaines et c'est lui qui amorcera le changement de direction éditorial avec Al Feldstein.
Après les critiques du grand public, le pamphlet de Wertham, l'enquête sur la délinquence juvénile par un comité sénatorial et la mise en place de la Comics Code Authority à laquelle il n'adhère pas, Gaines est obligé de remballer tous ses titres à l'exception du magazine satyrique "MAD", géré par son ami Harvey Kurtzmann. EC, contenant alors uniquement le magazine, sera revendu au plus offrant. en 2024, un partenariat avec Oni Press va réanimer les comics arrêtés plus de cinquante ans auparavant...
Les contes de la crypte
Dans la tradition du support d'origine, "Epitaphs From The Abyss" est un recueil de quatres histoires horrifiques, chacune par une équipe créative différente. Pour ce premier numéros nous avons "Killer Specs" par J. Holstam & J. Fornes, suivi de "Senator, Senator" par C. Condon & P. Krause. Ensuite vient "Family Values" par S. Phillips & P. Hester puis "Us VS Us" par B. Azzarello & V. Legostaev. Si j'admets que je ne les connais pas tous, il y a quelques noms ici qui me parlent et j'avoue que je suis agréablement surprise de voir que c'est pas juste EC pour faire EC, c'est vraiment dans l'esprit d'origine.
"Killer Specs" se penche sur un auteur de roman qui pète un câble à cause de plusieurs facteurs, transformant ce dernier en meurtrier pour un scénario.
"Senator, Senator" est une version très acide des revirements politiques et des journalistes qui posent des questions. J'ai beaucoup aimé l'idée véhiculée.
"Family Values" est un petit jeu en streaming impliquant votre famille : On vous donne cinq minutes et une arme à feu pour tuer un membre de votre famille sinon tout le monde se fait descendre. Les spectateurs peuvent placer des paris sur les résultats.
"Us VS Us" lui est une satire de certaines personnes blanches et puritaines, prenant le parti de traiter d'un sujet d'actualité mais du point de vue de ceux qui pensent qu'ils ont raison en toute circonstances, même si ça implique de se comporter comme d'immondes trou-du-cul.
terreur traditionnelle
En tout sincérité, je vous avoue que j'avais pas mal d'appréhension à l'ouverture de ce comic-book. Ramener EC c'était un bon coup de comm' mais si tu n'as pas les moyens de faire du EC, alors autant ne rien faire (selon moi) Mais Oni Press a vraiment assuré et l'esprit EC d'origine est présent même si c'est dans une version modernisée. Les histoires sont très acides, les intrigues sont simples et limpides, on est pas là pour se prendre la tête (Encore que "Family Values" m'a fait cogiter sur la situation si j'étais dans ce cas !) et c'est comme le thé bouillant après le bon gros Kebab-Frites : "C'est chaud, ça a du goût et ça fait une bien fou.". Ouais j'ai des comparaisons merdiques mais c'est tant pis pour vous, pour moi c'est très représentatif !
Après quelques pages mes craintes étaient dissipées et j'ai pris un malin plaisir à le lire une seconde fois juste après l'avoir fini tellement c'était bien ! C'est le genre de chose que je fais rarement mais j'avais vraiment la sensation d'ouvrir un EC qui n'aurait pas cessé d'être publié depuis 1955. Le ton, l'ambiance, les morales caustiques, les cases pleines de sang... Tout y est et c'est juste merveilleux !
Tous les dessins, les couleurs et les scénarios sont très bien ! On est vraiment dans la friandise culturelle de quelques pages qu'on lit dans le bus ou pendant la pause-repas. Du coup je suis sûre et certaine que je reviendrais pour la suite. La page du gardien du cimetière est illustrée par Dustin Weaver et je la trouve parfaite, elle colle vraiment bien à l'identité du magazine tout en payant hommage aux comics d'origine.
Synthèse Téléologique
Vous l'aurez compris, pour moi c'est un retour en grandes pompes qui a su rester fidèle à ses origines tout en s'adaptant à une public résolument ancré dans la modernité. Je souhaite sincèrement de bons chiffres de vente à Oni Press car la qualité est au rendez-vous. C'est le genre de titre qui doit perdurer pour offrir toute la saveur du récit court avec divers dosages de cruauté et de cynisme sous les stylos et plumes des équipes créatives. C'est exactement le genre de publication qui me fait revenir tous les mois chez mon vendeur de comics et qui me fait attendre le suivant avec impatience.
J'ai déjà pu voir dans PreviewsWORLD qu'il allait y avoir d'autres titres. "Epitatphs From The AByss" sera le titre-phare, "Cruel Universe" durera quatre numéros mais je sais que "Cruel Kingdom" viendra prendre le relai aux côtés de "Shiver Suspenstories". J'ai donc la certitutde que ce n'est pas juste une tentative de surfer sur la nostalgie avec juste une ou deux BD puis abandonner. C'est un retour en bonne et dûe forme qui sans mentir sur ses origines, se montre toujours aussi glaçant sur l'horreur quotidienne et le cynisme acide qui animait certaines histoires.
C'est pour moi un comic-book qui sera parfait en single issue. Je sais que sur le tome de "Archie Horror Presents" ou encore les tomes "Tales From The Crypt" publiés en VF chez Akileos, je suis habituée aux trade paperbacks mais posséder ce relaunch en single issue et revenir tous les mois en demandant si la suite est arrivée, c'est un foutu plaisir que je ne me refuserais pas. J'espère vraiment que ça tiendra dans la durée et que les lecteurs seront fidèles au poste, je veux avoir un carton plein à craquer de numéros dans quelques années pour pouvoir m'y plonger pendant des jours entiers chaque année au mois d'Octobre...